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lundi 14 mai 2018

Le 7 Roubles de 1884 : un timbre sujet à controverses

Evoquer les timbres classiques, c'est se plonger dans une Russie très différente de ma période de prédilection. C'est néanmoins une époque passionnante, avec une Russie en pleine transformation économique et sociale.
En 1874, la Russie rejoint l'Union Postale Universelle et adopte des tarifs postaux en cohérence avec cette adhésion (de 10 à 8 kopecks en juin 1875, puis de 8 à 7 kopecks en mars 1879 pour une lettre). 
Au niveau politique, Alexandre II est assassiné en mars 1881, et Alexandre III, son fils, prend le pouvoir.
En décembre 1883 est émise une nouvelle série de timbres, tous en kopecks, sur papier avec filigrane et vergé horizontalement,
 le 1 kopeck
le 2 kopecks
le 3 kopecks
 le 5 kopecks
le 7 kopecks

le 14 kopecks
le 35 kopecks
le 70 kopecks


puis en janvier 1884, cette émission est complétée pour la première fois par de fortes valeurs en roubles, le 3.5 roubles et le 7 roubles, sur papier avec filigrane et vergé verticalement.
le 3.5 roubles oblitéré

Dans l'usage quotidien, les timbres employés sont ceux des petites valeurs, dont on a besoin pour affranchir une lettre ou une carte postale ; les fortes valeurs sont consacrées, quant à elles, aux colis ou aux transferts d'argent. 
La valeur qui nous intéresse ici, le 7 roubles, est en conséquence émise en faible quantité (moins de 3000 exemplaires) et mise en vente à Moscou et à Saint-Petersbourg. Les exemplaires oblitérés, en raison de leur usage, sont souvent abimés. En raison de sa rareté, et de la difficulté à se procurer des exemplaires en bon état, ces timbres présentent une cotation très élevée, quels que soient les catalogues :

MNH
**
MH
*
Used
oblitéré
Zagorsky 2011
2250
950
300
Liapine 2009
2000
900
350
Yvert 2011
850

850
Michel2017
950

1000
Scott 2011
1100

750

le 7 roubles

Ce 7 roubles a connu quelques rares variétés, que l'on peut voir lors de ventes exceptionnelles chez Cherrystone
le 7 roubles avec centre inversé

De telles cotes ont inévitablement attiré les margoulins de toutes sortes, et les contrefaçons se sont succédé, avec plus ou moins de succès, et ont tellement pollué le marché de cette émission qu'il est encore aujourd'hui difficile, pour beaucoup, de s'y retrouver. François Fournier fut l'un des premiers à les produire, parfois non dentelés (les timbres authentiques non dentelés sont rarissimes). Jean de Sperati et de nombreux autres faussaires se sont essayés à contrefaire cette émission.

Faux Fournier estampillé

Un timbre sujet à controverses? Certes, par son histoire mais aussi par son présent car il faut bien reconnaître que ce soit sur les plateformes de vente en ligne ou dans les ventes sur offres, les vendeurs sont peu regardants sur la qualité et l'authenticité de ce qu'ils vendent, même quand on leur signale leurs insuffisances...

L'élément déclencheur de cet article a ainsi été la découverte, lors de l'actuelle vente Roumet (550ème VO), de timbres de la neuvième émission impériale plus que suspects, et qui sautent même immédiatement aux yeux.
Comment un philatéliste sérieux, avec un minimum de connaissances de la philatélie russe, peut-il feindre de croire qu'une même émission comporte deux formats différents? Ce simple détail suffit à lui seul à semer le doute.
Je contacte donc immédiatement ladite maison de vente, par le biais de l'adresse mail que l'on trouve sur leur page d'accueil. La réponse me parvient au bout de dix jours, et le lot est retiré...

Essayons donc de voir, cher lecteur, les caractéristiques de cette contrefaçon visiblement difficile à identifier...
 faux
vrai

Effectuons quelques comparaisons dans les détails :
↦ détail 1 :
faux                   vrai

Cette première comparaison met en valeur la pauvreté du dessin, étriqué, incomplet et distendu.

↦ détail 2 :
 faux                   vrai

Cette deuxième comparaison met en lumière le fait que le branche ne rejoigne pas la feuille, dans le timbre authentique, alors que c'est le cas dans le faux.

↦détail 3 :

 faux              vrai

Encore des détails intéressants, puisque ce faux compte 12 plumes alors que le vrai en compte 14...
Il y a encore de nombreuses autres divergences, que je vous laisse découvrir...

Par ailleurs, en consultant les ventes en cours, je tombe sur la vente sur offres Gärtner et là, ... à peine croyable...
le même type de contrefaçon...
Ce timbre m'interpelle... je recherche dans mes scans de faux, car inutile de vous dire que pour se procurer des faux, comme il faut payer le prix des vrais, je me constitue une bibliothèque des faux que je rencontre... et bingo! J'avais repéré ce timbre lors d'une vente sur Delcampe... en juillet 2017.

Il faut donc être très vigilant, particulièrement pour ces timbres qui sont censés être peu courants... d'autant que d'autres contrefaçons sont en circulation, comme celle-ci
ou celle-là...
ou encore celle-là...


Les 3.5 roubles ont des contrefaçons proches. Je les aborderai probablement une prochaine fois.







dimanche 6 mai 2018

La guerre civile en Russie : les surcharges locales de Viatka

Le titre que j'utilise ici est un peu trompeur. Nous sommes en 1922,  et la guerre civile, malgré quelques soubresauts dans l'extrême-orient russe, n'est plus d'actualité.

La République Socialiste Fédérative des Soviets de Russie peine toutefois à se remettre du changement de régime politique, d'un conflit intérieur et extérieur, tous deux longs et coûteux en vies et en ressources, et d'une famine qui a décimé une partie de la population. L'armée rouge pèse sur les territoires qu'elle occupe, et l'inflation est galopante.

Viatka est le chef-lieu d'une province du même nom, qui tire son origine d'une rivière qui l'irrigue et se jette dans la Volga. Sa position est stratégique, située sur la ligne du Transsibérien, à 956 kilomètres de Moscou. C'est à Viatka, sous la pression de l'armée Koltchak qui avance et vient de prendre Perm, située à peine à 400 kilomètres,  que le 24 décembre 1919  Staline et Dzerjinski, chef de la Tcheka, mettent en place dès la 6 janvier 1920 la stratégie visant à repousser les armées blanches. La ville de Viatka conservera jusqu'à la fin de la guerre civile une forte présence rouge, ce qui semble avoir joué un rôle sur le fonctionnement postal.


En raison de la forte inflation, en 1922, la valeur faciale des timbres est très vite caduque. La distribution des timbres est un irrégulière et, afin de pallier le manque de timbres, la décision est prise par le Commissariat aux Postes et aux Télégraphes d'utiliser les stocks restants des timbres de l'empire et de multiplier leur valeur  par 1000000 pour les timbres en kopecks et 10000 pour les timbres en roubles.

Les autorités locales surchargent donc les les timbres de l'empire, non pas d'une nouvelle valeur comme fréquemment, mais de l'annotation en violet " ВЫДАНО " qui signifie " émis ", et, chose peu fréquente, sur le verso, donc sur la gomme du timbre.

Les catalogues recensent 9 valeurs ; en voici 8 :

- le 2k vert dentelé :


- le 3k rouge dentelé :


- le 5k lilas non dentelé : 

 Ce timbre existe dentelé.
- le 10k bleu :



- le 1r non dentelé :

on peut remarquer que la surcharge peut prendre différentes positions :

- le 1r dentelé :


- le 5r dentelé :


- le 7r dentelé :

La difficulté de repérer ces timbres oblitérés est due justement à cette surcharge au verso du timbre.

En 1929, le gouvernement de Viatka est assimilé à l'oblast de Nijni Novgorod. En 1934, Viatka est débaptisée et prend le nom d'un dirigeant communiste assassiné, Kirov.