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la guerre civile en Russie : les timbres surchargés de Vladivostok (1ère partie)




La guerre civile en Russie... 1917-1922... Voilà un vaste champ d'investigations historiques et aussi philatéliques. Un terrain qui m'intéresse tout particulièrement... J'ai déjà fait par ailleurs une rapide analyse des timbres de l'armée du Nord l'an dernier.
Je me propose de vous présenter et de tenter de vous expliquer très humblement les différentes émissions de cette période troublée, en tout cas pour ce que j'en sais, et de tenter, comme toujours, de démêler le vrai du faux.

Je vais commencer par une émission connue mais largement sous estimée, notamment en raison des nombreuses contrefaçons qui l'ont accompagnée : la surcharge de Vladivostok sur les timbres de l'Empire 1908-1917 dentelés et non dentelés.
Tour d'abord, il me semble important d'avoir la carte de la Sibérie en mémoire et de bien comprendre les centres d'action qui ont présidé aux faits historiques et donc aux émissions de timbres. La carte suivante permet de remettre les éléments dans leur contexte :

(cette carte est issue et modifiée du site http://www.stampworldhistory.com/)

En 1917, la révolution bolchévique emporte tout, y compris en Sibérie. Deux éléments, l'un incontrôlable et l'autre incontrôlé, vont néanmoins déstabiliser la région et contribuer à la livrer à a guerre civile : la Légion Tchèque et le Transsibérien.
La Légion Tchèque est avant tout un outil de propagande du pouvoir tsariste ; elle est constituée de tchèques vivant en Russie, souhaitant intensifier la lutte contre le pouvoir austro-hongrois et ainsi obtenir l'indépendance de la Tchécoslovaquie. Elle comporte environ 35000 hommes lorsqu'éclate la Révolution russe. Inquiétés par le traité de Brest-Litovsk mettant fin à la guerre entre la Russie, l'Autriche-Hongrie et l'Empire allemand, ils obtiennent de pouvoir évacuer par Vladivostok. Leur voie d'évacuation passe évidemment par le Transsibérien. En conflit avec les Bolchéviques qui voulaient les désarmer, ils se révoltent et prennent position sur le Transsibérien jusque Vladivostok. Ils sont désormais partie prenante dans le conflit et collaborent avec l'amiral Kolchak. Cette artère vitale de communication va alors permettre la circulation rapide des troupes rouges et blanches, et étrangères. Nombreux sont en effet les corps étrangers qui débarquent à Vladivostok pour prendre part au conflit : Américains, Anglais, Français et Japonais... Ceux-ci ont des intérêts tout particuliers à défendre : leur occupation de la Mandchourie voisine et la maîtrise du Transsibérien passant par Harbin. Après une avancée rapide, les forces tsaristes refluent ; l'amiral Kolchak est finalement trahi par les Tchèques et exécuté par les Bolchéviques le 6 février 1920.
A l'exception notable de Chita, la Sibérie retombe sous influence rouge, mais les Bolchéviques ne peuvent se permettre un conflit armé ouvert avec les Japonais, préoccupés qu'ils sont par les conflits et révoltes intérieurs et par la réorganisation du pays. A Verkhneoudinsk, un congrès adopte la proposition d'un jeune Bolchévique, Krasnoshchekov, de créer un état tampon ; celui-ci naît officiellement le 9 avril 1920. L'ensemble des provinces, y compris Vladivostok, est uni sous cet état fantôme à compter de fin décembre. 
 Fichier:Coat of Arms of Far Eastern Republic (1920).png
Pour ce qui est des timbres, cette union se matérialise par la surcharge DVR apposée sur les timbres de l'empire armoiriés de 1909-1917 dentelés et non dentelés, sur les timbres surchargés par l'administration Kolchak (série dite d'Omsk) et sur certains timbres d'épargne.
Je vous propose d'analyser successivement les timbres en kopecks, puis ceux en roubles ainsi que les surcharges sur enveloppes et enfin les timbres surchargés avec nouvelle valeur.

Commençons par la surcharge proprement dite : DVR (Дальневосточная Республика Dalnevostochnaya Respublika). Cette surcharge est avant tout lithographiée. J'ai choisi afin de la présenter une surcharge caractéristique (nous verrons qu'il peut y avoir des variantes) : celle du 1k jaune-orange.




Voici quels sont les points cardinaux de la surcharge authentique :

1. Le retour de la boucle intérieure haute du D ne coupe pas la boucle extérieure mais fusionne avec elle. L'appendice de gauche est distinct.
2. La boucle basse du D est toujours fermée, pleine.
3. Une barre horizontale sur le D se situe 1/3 gauche 2/3 droite par rapport à la courbe faite par la lettre.
4. La prolongation de la barre initiale du D effectue un retour vers la gauche. Ce retour est différent en fonction de la position du D sur la plaque d'impression.
5. Une protubérance existe sur toutes les valeurs en kopecks (à l'exception des timbres surchargés de nouvelles valeurs).
6. La prolongation du V et du R se fait cette fois-ci sur la droite.
7. Notez un épaississement de nombreuses boucles. Celui-ci fait souvent défaut sur les contrefaçons.
8. Si l'on coupe le timbre d'une ligne imaginaire, il ne doit pas y avoir de déséquilibre global.




Le Dr Ceresa, dans son ouvrage Pocket, forgery guide sur cette émission note quant à lui des points de transfert qui apparaissent sur les valeurs en kopecks. Ils sont parfois difficiles à apercevoir, mais j'y ferai référence quand l'occasion se présentera.

A suivre dans la partie 2: les valeurs en kopecks.




Commentaires

  1. Bravo pour ces deux beaux article!

    http://philatelietruchtersheim.free.fr/thread.php?lng=fr&pg=2394&cat=4#z2

    Harald Zierock

    RépondreSupprimer

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