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lundi 4 avril 2016

Quand les timbres nous racontent l'histoire : la famine (1ère partie)

Internet recèle bien des surprises, bonnes ou mauvaises. J'ai ainsi été bien étonné de découvrir sur le groupe de discussion de Facebook consacré à la philatélie russe (https://www.facebook.com/groups/123057764480/) cette enveloppe, proposée par Mickael Kiss :
Une superbe enveloppe, avec un affranchissement philatélique en date du 23 04 1922 sauf erreur de ma part, recèle bien des richesses, et en particulier l'utilisation de trois émissions semi-postales de charité.
Cette enveloppe m'a conduit à m'interroger sur le contexte, que chacun connaît certes, mais qui demeure complexe, de l'émission et de l'utilisation de tels timbres.

Le contexte :
Jusque fin 1921, la guerre civile n'a pas tout à fait fini de faire parler d'elle. La situation des armées symboliquement définies par les couleurs rouge et blanche est compliquée par de véritables armées de brigands (des armées que les historiens qualifient de "vertes" comportant de nombreux paysans et dont l'importance peut aller jusqu'à plusieurs milliers d'hommes).
Dans un contexte de sécheresse importante, événement récurrent de l'histoire russe, les privations liées à la guerre, la réquisition des récoltes, des animaux et notamment des chevaux et les difficultés d'approvisionnement entraînent une très importante famine. Celle-ci sévit principalement au sud de la Russie, sur le bassin de la Volga.
 
 (source Wikipedia)
 Les populations sont menacées et plusieurs millions de vies sont en jeu. Les images de cette famine sont insoutenables et sont diffusées dans le monde entier. on relate de très nombreux faits d'anthropophagie.
 
 On a accusé les Bolchéviques d'avoir instrumentalisé cette famine pour lutter contre l'influence de l'Eglise orthodoxe et pour briser la résistance des paysans et notamment des petits propriétaires. Quoi qu'il en soit, de nombreux appels à l'aide sont lancés en 1921 et Lénine change sa politique agraire. Les décès liés à cette famine ont été sources de polémique car l'instrumentalisation politique est toujours proche. On peut néanmoins estimer que deux à quatre millions de personnes ont perdu la vie au cours de cette période.

Les émissions de timbres :


Le thème de l'enfance est porteur. Les photographies de l'époque sont à mettre en rapport avec celles d'aujourd'hui. Le pathos contenu dans la photographie de la mort d'un enfant sur une plage de Turquie et l'émotion suscitée sont similaires à ceux provoqués par la famine des orphelins de 1921-1922. Il est la clef qui enclenche l'action, depuis celle d'organisations comme la Croix Rouge jusqu'à l'intervention de gouvernements.
Les émissions de timbres de bienfaisance mettent à profit l'émotion pour inviter les populations à l'achat. Les fonds récoltés permettent de venir en aide aux personnes en difficulté.

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C'est ainsi qu'une émission au profit des affamés de la Volga a lieu en décembre 1921.
Cette émission comporte quatre timbres, trois au motif identique représentant un paysage et le quatrième un thème récurrent, l'ouvrier venant en aide au paysan, tous  avec une valeur de 2250 roubles ('oublions pas que nous sommes en pleine période inflationniste!).
 Celle-ci a donné lieu à d'incroyables variétés, que je n'ai malheureusement pas en ma possession, mais qu'on peut trouver chez Cherrystone par exemple (https://www.cherrystoneauctions.com/_auction/results.asp?auction=201402&searchtext=&country=R.S.F.S.R.+1921+%28December%29+Volga+Flood+-+Charity+Issue)

Dans l'ordre pour ces quatre timbres, pour Zagorsky, il s'agit du n°18 en brun

La symbolique véhiculée par ces timbres est symptomatique des besoins liés à la famine et des conséquences de celle-ci.
Aux images d'exode de familles entières et notamment des personnes les plus vulnérables en bas à gauche 


Cette situation est contrebalancée par l'arrivée de l'aide par le fleuve :

La fraternité repose sur la double association entre l'image de l'adulte protégeant son enfant et du paysan qui ensemence son champ préalablement labouré (la verticalité des traits du timbre suggère la pluie qui manque tant) ; l'animal familier du second plan pouvant symboliser le foyer. Tout cela est très éloigné des photographies de l'époque et des histoires d'anthropophagie.



Enfin les épis de blé de chaque côté du timbre nous renvoient aux besoins en pain.

L'émission relativement faible et l'opportunité historique ont aussitôt attiré les faussaires :
-> en papier un peu plus épais que le papier original :

Outre une encre plus claire comportant de nombreuses imperfections, on remarque sur cet exemplaire l'absence de jonction entre le D et le A
Il est est de même entre la canne et son ombre
Les catalogues que j'ai en ma possession ne mentionnent pas d'autre variété comme un timbre sur papier pelure par exemple. J'ai néanmoins un timbre à prpos duquel je m'interroge puisque son papier me semble beaucoup plus fin que le timbre de référence. Le voici ci dessous. Peut-être avez-vous des explications ou des idées?

ON trouve sur l'enveloppe présentée au début de ce post le n°19 de Zagorsky. Je vous ai mis ci-dessous les deux types recensés par Zagorsky : 
type I :

Type II :

Une variété sur papier pelure est mentionnée ; elle est côtée entre 125 et 400 euros selon les catalogues.. Elle a  bien évidemment donné lieu a des contrefaçons comme celle ci-dessous :
Notez la mauvaise qualité de l'impression : les lettres ne sont bine souvent pas droites.

On trouve dans le 20 de Zagorsky les mêmes caractéristiques (types I et II). Voici deux exemples intéressants :
- sur papier buvard les types I et II associés :





- sur papier pelure les types I et II associés :
 Malgré la côte relativement faible de ces timbres, ils ont également donné lieu à des contrefaçons comme celle-ci sur papier pelure :


 Dernier timbre de la série, très différent des précédents, le 21 de Zagorsky :

La symbolique est ici également très présente. Si le paysan souffre des stigmates de la faim





L'ouvrier lui donne à manger de sa main droite et l'enserre de son bras gauche, dans un symbole fort de fraternité (la charité n'exclut pas la propagande politique!). Le champ est labouré et ensemencé, prémisses de récoltes futures.


Ce timbre a lui aussi donné lieu à contrefaçons ; j'ai trouvé celle-ci sur papier pelure :

La comparaison est facile à faire entre les deux timbres ; entre autres, on peut noter :
- l'absence de points sur le pantalon de la contrefaçon :
 
- la mauvaise qualité de l'impression du texte avec la probable confusion par le faussaire entre la police de la ligne 2 et de la ligne 3




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