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lundi 15 mars 2021

La République Socialiste Fédérative des Soviets de Russie : l'épée brisant les chaînes de l'oppression

(Cet article a été initialement publié dans la Gazette du Cercle Philatélique France-Russie. Je remercie le Président du Cercle, Gérard Leblanc, qui a mis à ma disposition les ressources de l'association et en a permis l'amélioration.)

 Dès l'abdication de Nicolas II  le 2 mars 1917 (15 mars selon le calendrier grégorien), le pouvoir passe aux mains du Gouvernement Provisoire, dont le Prince Lvov préside le premier.. 

D'obédience socialiste, il lui faut un symbole fort. Quoi de mieux entre autres que le timbre, d'usage courant, qui passe entre toutes les mains et qui symbolise le pouvoir?

Dès les premiers mois de 1917, il lance un appel à projets. De tous les artistes impliqués, c'est le célèbre Richard Zarinch qui l'emporte avec son essai.

 



Des quatre essais qui vous sont présentés ici (d'autres avaient été proposés par plusieurs artistes), le plus radical est retenu.

Connu pour sa participation à la série du tricentenaire des Romanov, puis des timbres de bienfaisance de 1914, Richard Zarinch s'attelle à la commande, au choix retenu par le pouvoir politique de dessiner "une épée brisant les chaînes de l'oppression". Les valeurs retenues à ce moment correspondent aux tarifs en vigueur de 5 à 20 kopecks.

En voici quelques épreuves, émises aux alentours du 28 août :





Le pouvoir passe cependant très vite aux mains des bolchéviks. Nicolas Pavlovitch Avilov-Glebov ne retient que le 15k marron et barre les autres projets. Puis cette démarche est  abandonnée. Dans leur recherche d'un monde débarrassé des symboles impériaux, et avant tout pragmatiques, Les bolchéviks, et en l'occurrence le Commissariat National des Postes et Télégraphes, reviennent finalement vers Zarinch et lui demandent de revoir sa proposition première. Des essais sont émis : 

essai de fond

 essai de centre

Des épreuves aux couleurs rejetées :

orange

vert

puis acceptées le 22 mai 1918 par V Podbelski, le Commissaire National. Ils correspondent aux tarifs en vigueur au 28 février 1918 de 35k pour une lettre et de 70k pour un recommandé.

 

marron (utilisé en 70k)
bleu (utilisé en 35k)
Ce 10k est intéressant car il représente enfin le dessin retenu, avec des motifs floraux.

Cependant, dès le 15 septembre, dans une démarche globale pour aller vers la gratuité qui interviendra le 1 janvier 1919, les tarifs postaux sont abaissés. Les valeurs émises deviennent désuètes. Ce timbre est donc rarement employé, d'autant que les bolchéviks ne contrôlent qu'une petite partie du territoire de l'ancienne Russie.

Le 7 novembre 1918, le timbre est enfin émis et diffusé sur papier bâtonné en losanges, à la date anniversaire de la Révolution. Le procédé utilisé est la typographie, et le timbre dentelé en 13 1/2. Les timbres sont imprimés en feuilles de 100 (10*10) et protégés par un bâtonnage en lozanges, comme les timbres de l'Empire. Ils sont souvent mal centrés. Vous noterez les initiales de Richard Zarinch dans le bas du timbre.
 
Le 35k :

le 70k :

 
Cette série est remarquable par en sa qualité de "collectionnable" ; de ses variétés à ses erreurs, en passant par son emploi postal, il est possible d'établir une collection de tout premier plan.
 
En effet, outre les nuances de couleurs, ces timbres comportent un très grand nombre de variétés liées aux plaques d'impression. Celles-ci ont été abondamment traitées par la littérature philatélique. Les impression successives (4 ou 5 selon les catalogues) ont ainsi multiplié ces mêmes variétés.

Deux pages de mon vieux catalogue du Cercle Philatélique France Russie vous donneront un aperçu de ces variétés :
 


Mon propos n'est donc pas ici de remplacer ce catalogue, ni de mentionner des variétés qui ne s'y trouveraient pas. De bien plus grands spécialistes s'y sont attelés et je n'aurai pas la prétention d'aller sur leur domaine d'excellence. Non ; mon propos est donc juste de montrer la richesse de cette émission et d'inciter tout un chacun de collectionner ce petit timbre riche d'une histoire extraordinaire.

En conséquence, si j'évoque quelques variétés, cela sera sans distinction du 35k et du 70k, laissant aux uns et aux autres la liberté de se renseigner davantage si le coeur leur en dit.

Je parlais donc des erreurs de plaques. Certaines sont donc mentionnées dans les catalogues, et ces variétés apparaissent ici entourées de rouge :
sur 35k :

 sur 70k :
 


D'autre sont ponctuelles, mais pas moins amusantes, comme celle-ci :

Il faut dire que cette épée brisée par les chaînes de l'oppression, cela a de quoi faire frémir tout bolchévique...

D'autre variétés, liées cette fois à la perforation en dentelure 13.5, sont à noter.

- des perforations déplacées :

-sur 35k :

 


sur 70k :


ou liées à un mauvais positionnement de la feuille


Enfin des perforations manquantes... remplacées par des perforations locales...


... ou pas, ce qui aboutit à des variétés très recherchées, avec des parties non dentelées.




Le graal du collectionneur, c'est le timbre non dentelé, dont il y a peu d'exemplaires. Le plus rare est le 70k.

Cette rareté, et le prix qui va avec, a donné bien évidemment lieu à des contrefaçons. Certains timbres non dentelés sur leur partie haute,ont été rognés sur leur dentelure, et il faut être très prudent lors de tout achat.

D'autre faux ont été faits de toute pièce, dans l'espoir de tromper le collectionneur.

- le 35k :


- le 70k :


Ces timbres typographiés se repèrent par un papier plus fin, très lisse, et par un dessin parfois irrégulier.

J'espère que ce petit panorama vous aura donné le goût d'approfondir cette analyse.

Références : 

La Gazette du Cercle Philatélique France-Russie,  Alexis Khripounoff, n°74 avril 1988

The Post Rider, N.J. Sheppard, n° 13 novembre 1983

Ceresa, The Postage Stamps of Russia, 1917-1923, volume V

Gérard Leblanc, Tarifs et dates de l'histoire postale russe et soviétique


vendredi 12 octobre 2018

RSFSR : la surcharge locale de Serafimo-Diveyevo


Nous sommes ici en avril 1922. L'inflation est galopante et les tarifs postaux ont suivi cette hausse. Le rouble 1922 vaut 10000 fois le rouble Romanov. Pour pallier le manque de timbres à valeur élevée, la ville de Diveyevo utilise son stock de timbres de 100 roubles de la RSFSR pour les surcharger à 100000 roubles.



Le catalogue Michel mentionne deux encres différentes utilisées pour cette surcharge, une rouge-violette dont vous avez un exemplaire ci-dessus, et une violette dont voici un exemplaire proposé à la vente Raritan de septembre 2015 : 
La surcharge est apposée à l'aide d'une plaque de cuivre préparée localement. Une des caractéristiques de cette surcharge est qu'elle déborde bien souvent du cadre du timbre, et se retrouve donc bien souvent en partie sur le timbre suivant. On peut montrer en exemple majeur ce timbre-ci, que j'ai repéré dans une vente sur offres :

Mais Diviyevo, kesako? est-ce seulement une ville? Et cela se trouve où?

Il s'agit en réalité plutôt d'un gros bourg, dans l'oblast de Nijni Novgorod comptant actuellement aux environs de 6000 habitants.





Cette petite ville a une renommée certaine, lieu de pèlerinage et de foi, qui possède trois magnifiques églises placées les unes à côté des autres, dont celle de la Sainte-Trinité (Saint-Séraphin).

Ce qui est surprenant, c'est que cette bourgade rurale ait eu besoin d'une émission locale, faute de timbres pour l'affranchissement. Au temps des Soviets, ce n'est sûrement pas le tourisme religieux qui a vidé les bureaux de poste! Quelques cinquante feuilles ont été émises, et seuls quelques timbres ont été mis en circulation, les autres étant rapidement retirés de la vente.
Non loin de là, à 175km, la ville de Nijni-Novgorod a émis elle-aussi, à la même période, un timbre surchargé 100000 roubles (le 250r de 1921). On peut aussi s'interroger sur cette simultanéité. Les deux villes sont situées non loin de Moscou, environ 450km. L'approvisionnement en timbres a-t-il été irrégulier? Les émissions locales de 1920 sont régulièrement associées à la présence de troupes sur le territoire ; est-ce le cas ici?
Je cherche des réponses ; mes lecteurs sauront-ils me les apporter?







dimanche 8 avril 2018

Novembre 1922 : Aux affamés, une émission de charité originale de la République Socialiste Fédérative des Soviets de Russie

En 1922, la famine sévit toujours en République Socialiste Fédérative des Soviets de Russie. Le sud du pays est particulièrement touché, notamment dans la région allant de Viatka (Kirov) à la mer Caspienne. 
voir deux autres articles consacrés à cette famine et à leur impact sur la philatélie
Malgré des fortes exportations de céréales au début du XXème siècle, le pays avait déjà connu de nombreuses famines et disettes, souvent à l'échelle locale, principalement en raison de mauvaises récoltes, comme en 1906, 1909 et 1911. La région de la Volga est régulièrement concernée. 
La famine de 1921-1922 concerne aussi la République Socialiste Soviétique d'Ukraine comme le montre ce document suivant basé sur les données de l'Office international Nansen pour les réfugiés :
carte établie par Spiridon Ion Cepleanu

Les timbres sont le reflet de cette période difficile, moyen d'action économique mais aussi politique pour contrer la famine et ses conséquences sociales. Après avoir changé sa politique agraire, le pouvoir bolchévique se doit de montrer qu'il prend en compte ce désastre et qu'il agit. Le Commissariat aux postes et aux télégraphes autorise alors plusieurs émissions de charité, dont fait partie celle qui nous intéresse aujourd'hui, en date de novembre 1922. Cette émission, lithographiée, comporte quatre timbres représentant les différentes moyens de transport. Ils sont tout à la fois les symboles de la mise en action de l'aide pour les victimes de la famine, mais aussi tout simplement les moyens de transport du courrier.
Les quatre timbres, lithographiés et dessinés par R. Zarrinsh, comportent deux indications : RSFSR en haut et Golodayushchim (голодающий) en bas. Fait suffisamment rare pour être signalé, ils ne comportent pas de valeur, mais étaient vendus 25 roubles, 20 servant à l'affranchissement et 5 versés pour les victimes de la famine. On les trouve pour l'essentiel en version affranchie sur des plis de 1923. Les exemplaires que je possède sont imprimés sur du papier grisâtre. Comme toujours (ou presque), les exemplaires de cette émission ont donné lieu à des contrefaçons et nous nous attacherons autant que possible à discerner le vrai du faux.
Les voici :
↪ le navire à vapeur :
Timbre authentique
Ce timbre a eu ses variétés, comme celle qui suit, double impression sur le verso du timbre (abklyatch) :
Il a eu ses contrefaçons :
contrefaçon
Le scan est trompeur, les timbres sont de dimension identique. Ils diffèrent cependant par la couleur et le papier. Quelques détails en gros plan confirment ces différences:
Timbre authentique
contrefaçon
Timbre authentique
contrefaçon


Timbre authentique
 
contrefaçon
Les différences se remarquent immédiatement :
↠ Les lettres RSFSR sont de taille différente et tronquées dans le faux
↠ La couleur est plus uniforme mais les traits plus flous dans la contrefaçon
↠ La proue est plus droite dans le faux, plus courbe dans le timbre authentique

↪ le train :
Timbre authentique
Les timbres étaient imprimés par cent avec quatre feuillets (parties) de vingt-cinq. Voici une de ces parties :
Les variétés portent principalement sur des erreurs de plaque abimée (ou du papier plié avant impression), comme ici en position 18 sur cette partie :



Enfin, ce timbre a eu lui aussi ses contrefaçons :
contrefaçon

Reprenons d'ailleurs quelques points de divergence entre vrai et faux :


 Timbre authentique
contrefaçon


Timbre authentique
 contrefaçon


Timbre authentique
 contrefaçon
Les différences se remarquent immédiatement :
↠ les lignes encadrant le mot Golodayushchim ont quasiment disparu dans la contrefaçon
↠ Les lettres RSFSR sont très dissemblables
↠ l'impression du dessin du train est moins nette


la voiture :
  

Les variétés sont peu fréquentes, mais on en trouve, comme cette double impression :

Et, bien évidemment, ce timbre a été contrefait :

Voyons, par quelques détails, les éléments qui diffèrent :

 Timbre authentique
contrefaçon

Timbre authentique
 contrefaçon

Les différences se remarquent immédiatement :
↠ La couleur est plus uniforme mais les traits plus flous dans la contrefaçon
↠ L'arrière-plan est constitué de traits sur le timbre authentique, mais de points sur le faux

l'avion :
 Timbre authentique
avec sa contrefaçon :
 contrefaçon
 Analysons rapidement quelques points d'achoppement :
(les fortes différences de couleur sont dues au scan)
Timbre authentique
contrefaçon

Timbre authentique
 
contrefaçon

Timbre authentique
 
contrefaçon

Les différences se remarquent immédiatement :
↠ les lignes encadrant le mot Golodayushchim ont quasiment disparu dans la contrefaçon,et les lettres sont différentes, plus grossières
↠ Les lettres RSFSR et les points les séparant sont très dissemblables

↠ La couleur à nouveau est plus uniforme mais les traits plus flous dans la contrefaçon

L'usage postal date principalement de 1923, période de forte inflation. L'exemple suivant est issu du site Loral Stamps et met en évidence une lettre de Chembary :


Le docteur Ceresa a explicité dans son ouvrage monumental les différents emplois postaux de ces timbres originaux.