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mercredi 26 juin 2024

"Titans des cieux" : le magazine philatélique de la maison de vente sur offres Heinrich Köhler

     J'ai reçu cette semaine le magazine de la maison de vente sur offres Heinrich Kôhler, titré "Titans des cieux", dont voici la première de couverture ainsi que la page 3 :

 

    Si ce magazine possède une indiscutable dimension commerciale, puisqu'une part entière de la prochaine vente sur offres de Heinrich Köhler sera consacrée aux Zeppelins, on ne peut que reconnaître que ces pages consacrées au progrès technique et à l'évolution vertigineuse de la poste aérienne sont de bon aloi. 
    Si l'article traite essentiellement de Ferdinand von Zeppelin et des dirigeables allemands qui lui sont associés, sous le prisme philatélique, mon objectif est ici de rappeler la compétition entre  l'Allemagne et l'URSS qui conduisit ce pays à développer son programme de dirigeables.
    La relation entre les deux pays repose tout à la fois sur l'attrait et le rejet, dualité qui existait déjà sous l'empire des Tsars - rappelons que la Russie et l'Allemagne étaient frontaliers - mais qui s'est exacerbée avec l'arrivée au pouvoir des Bolcheviks  - Lénine ne disait-il pas toute son admiration pour l'organisation du travail dans le Reich de Guillaume II, mais aussi que la Révolution bolchévique passerait nécessairement par l'Allemagne avant de se répandre dans le monde entier - et qui s'est enfin affirmée dans la relation Staline-Hitler. 
     Les zeppelins allemands accélèrent le mouvement, accélèrent le temps puisqu'il ne faut plus que deux jours environ (un peu plus à l'aller) pour aller d'Allemagne aux USA. Le 11 septembre 1930, le Graf Zeppelin passe par Moscou, avec l'aval préalable de Staline. Le succès populaire est immense. Le premier véritable dirigeable soviétique, le Комсомольская Правда, prend son envol à peu près au même moment. Les soviétiques ont donc du retard, car ils partent de loin ; l'aviation russe n'existait en effet quasi pas avant la révolution. 
    Le rôle des dirigeables n'est pas seulement de transporter des passagers, mais aussi du courrier, comme en témoignent ces enveloppes éminemment philatéliques, vendues par Cherrystone lors de ses enchères de juin 2008, et qui montrent la paradoxale étroitesse des liens entre URSS et Allemagne :
Courrier porté par le Graf Zeppelin du 23 9 1930

Courrier porté par le Graf Zeppelin du 10 10 33

    Dans cet exemple, ces étroites relations se retrouvent dans l'affranchissement mixte URSS - Allemagne

    Enfin, si les dirigeables sont un symbole de puissance, il sont aussi un outil de propagande, dont le NSDAP fera grand usage à compter de l'arrivée au pouvoir des nazis. Staline ne s'en laisse pas compter, et les années 1930-1931 verront l'émission de plusieurs séries glorifiant les dirigeables, portant la propagande soviétique :

→ En septembre 1930, une première série est émise afin de faire avancer les objectifs du premier plan quinquennal (1928-1933). Cette série, dessinée par l'artiste B. Kostanyitsin, met en scène un ouvrier, portant le 4 (de quatre ans), suivi de l'industrialisation qu'il a mise en place, dont le dirigeable est un des piliers de la modernité.
 

→ En mai-juin 1931, une deuxième série de cinq timbres est émise, dont l'objectif est de mettre en valeur les dirigeables soviétiques, de leur création à la conquête du monde. Staline a en effet bien vu la puissance de propagande que recelaient ces géants des airs, et s'en sert afin de valoriser les réussites soviétiques :

Du désert de sable au désert de glace (artiste N Alekseev)

Au dessus du barrage hydro-électrique sur le Diepr - le fameux barrage de Khakovka (artiste A Volkov)

Au-dessus du Kremlin (artiste I Dubasov)


Autour du monde (artiste V Zavyalov)

Construction d'un dirigeable (artiste F Slutski)

→ Les allemands envisagent très tôt un voyage en arctique, qui se déroulera dans le semaine du 24 au 31 juillet 1931, comprenant une rencontre entre le Graf Zeppelin et un brise-glaces russe, le Malygin, avec échange de courriers postaux. La poste soviétique immortalise ce moment avec une nouvelle série de timbres de juillet 1931

 



  Ces tirages donneront lieu à quelques raretés, comme celles-ci, extraits de la vente Cherrystone de 2008 :

paire vendue 10000$

bloc vendu 21000$


   Comme l'histoire l'a montré, les relations entre l'Allemagne nazie et l'URSS, sur ce sujet symbolique comme sur d'autres bien plus importants,  atteindront leur apogée lors du pacte Molotov-Ribbentrop, avant de nettement se refroidir...

    Pour en revenir au magazine philatélique d'Heinrich Köhler, celui-ci présente d'autres sujets passionnants, dont celui de Memel qui m'intéresse beaucoup, mais c'est une autre histoire. Ces magazines, autrefois courants, se font aujourd'hui rares ; c'est dommage.


 
 
 
 

dimanche 16 juin 2024

Vol Moscou-San Francisco : cessez de planer...

     Je n'écris quasi jamais sur les années 30, et je m'intéresse assez peu à ces années et à celles qui suivent, ce qui ne m'empêche pas de suivre les ventes sur les sites de vente en ligne comme ebay ou les sites des ventes sur offres.

    Les achats sur ebay, c'est comme dans une grande braderie, on y trouve de tout, mais surtout du n'importe quoi.

    Hier, le 15 juin 2024 s'est vendu un lot intéressant à plus d'un titre.



    Le lot a été acheté 371$, une somme à la fois importante, et paradoxalement faible pour un lot dont la valeur devrait avoisiner à minima les 1000$. Chaque timbre est ainsi coté 900 euros pour un timbre oblitéré dans mon catalogue Michel de 2018. Cette importante différence n'est pas sans interroger, et comme l'a dit une femme politique française : "quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup". Vous vous en doutez donc, nous allons débusquer ce loup.

     A gauche un timbre extrait du lot, à droite un timbre de référence.

    Les timbres du lot sont oblitérés. Il s'agit sans doute d'une oblitération CTO dont l'Union soviétique abusait pour la vente du surplus de ses timbres. Si l'on regarde avec attention, et sans même un microscope, les timbres du lot dont la surcharge et l'oblitération se mêlent, on se rend compte que l'encre de la surcharge recouvre l'oblitération. D'ailleurs cette encre est visiblement et même nettement différente. L'alignement des lignes, la forme des lettres, tout cela est particulièrement mauvais et traduit une pauvre contrefaçon.
    Peut-être, allez-vous me dire, mais ces timbres sont expertisés, il sont signés! je vous renvoie à mon article d'avril 2024 pour les détails, mais voyons rapidement cela.
 
Il s'agit sans doute d'une signature de référence SPhA (Soviet Philatelic Association), mais ce n'en est qu'une pâle imitation. Voici la signature de référence :
    Ces 371$ ont donc été dépensés pour des contrefaçons. Qui en est responsable?
    Le vendeur? Il annonce pourtant la couleur "sold as is". Il y a derrière cela une hypocrisie. Vendu "tel quel" signifie que c'est à l'acheteur de se faire son opinion, mais que le vendeur se décharge de toute responsabilité. Il n'a pas pour autant marqué "sold as forgery" qui est - il faut bien le dire - beaucoup moins vendeur...
    L'acheteur? Sans aucun doute hélas. Pour tous les timbres / enveloppes de la Russie que je peux acheter, ma devise est "tout est faux, sauf à preuve du contraire". Si je ne peux pas prouver, je n'achète pas... A appliquer cette devise, donc à prendre son temps et à faire un minimum de recherches on peut s'épargner bien des déconvenues, et de perdre de l'argent inutilement, et à s'en dégoûter des timbres...
 

 

 

dimanche 3 février 2019

Premier vol postal Moscou - Téhéran : vol au dessus d'un nid de coucou

J'ai récemment remis en ordre l'année 1924 de ma collection et je me suis intéressé à une enveloppe de poste aérienne qui m'avait interpellé il y a quelques années.






Etonnante enveloppe en effet. Dactylographiée "Premier vol postal Moscou - Téhéran" à l'attention de Monsieur Jaroljmek.

Les courriers avec affranchissement de la poste aérienne sont très courus, et ma première réaction à la vue de cette enveloppe a été de pressentir une tricherie quelconque.

Tout dans cette enveloppe est suspect : l'absence d'adresse pour le destinataire, un affranchissement à 35 kopecks, alors qu'on attendrait plutôt 40 kopecks me semble-t-il? (tarifs du 1 septembre 1924). Les dates de départ et d'arrivée sont d'ailleurs surprenantes : 30 / 10 / 24 au départ et 14 / 12 / 24 à l'arrivée, soit 46 jours pour faire environ 3000km... alors 46-24=1104 heures... soit un peu moins de 3km par heure! j'irais plus vite à pied!

Trêve de plaisanterie. La solution a été apportée par Behruz Nassre dans son exposition de 2008 "Junkers aviation in Iran 1924-1930". Les premières liaisons aériennes entre l'Iran et de nombreux pays ont été établies entre 1924 et 1930 par la compagnie allemande Junker. C'est ainsi que Monsieur Joroljmek, représentant Junker en Iran, est destinataire de cette enveloppe partie réellement de Moscou le 12 / 11 /24 et arrivée à Bakou par avion, puis transférée (avec l'avion!) par bateau à Bandar-e Anzali en Iran le 14 décembre et repartie en avion jusqu'à Téhéran.

Malgré son extraordinaire voyage, cette enveloppe n'a pas de réelle valeur postale. Les nombreux exemplaires de ces enveloppes montrent les dérives industrielles de la philatélie soviétique.
Un autre exemplaire :

Il ne s'agit donc pas de faux; mais d'une escroquerie intellectuelle malheureusement courante...