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dimanche 17 février 2019

Tricentenaire des Romanov : une intéressante utilisation

En fouillant dans un petit stock de timbres oblitérés 1918-1919, j'ai retrouvé un fragment comportant trois timbres, dont un Romanov.






Après la Révolution du 25 au 26 octobre 1917 du calendrier julien (6 au 7 novembre du calendrier grégorien, calendrier qui deviendra la norme le 14 février 1918), les stocks de timbres de l'empire étaient particulièrement importants. Pragmatiques, les bolchéviques ont donc utilisé les timbres existants, dont on retrouve l'usage jusqu'en mars 1923.
La politique n'est néanmoins jamais loin. Entre les besoins d'affranchissement du courrier et la propagande induite par la représentation de la dynastie abolie, les bolchéviques ont vite choisi. L'usage de la série du tricentenaire des Romanov a vite été l'objet de suspicions, et je peux me risquer à dire que mieux valait ne pas l'employer. Parmi les 17 timbres, il en est un qui était interdit, celui de Nicolas II, tsar déchu.

Ce fragment est donc particulièrement intéressant. Il est oblitéré Taganrog en date du 3 juillet 1919. La région est contrôlée par les forces blanches depuis la fin de 1918, et Taganrog est le centre militaire de la région depuis janvier 1919. On ne peut voir cet affranchissement que comme l'affirmation d'une loyauté au régime tsariste. Nicolas II a été exécuté dans la maison Ipatiev à Iekaterinbourg dans la nuit du 16 au 17 juillet 1918. A quelques jours près, cet affranchissement est une commémoration de cet assassinat. Le timbre est alors non seulement un outil de propagande, mais aussi de mémoire.


dimanche 3 février 2019

Premier vol postal Moscou - Téhéran : vol au dessus d'un nid de coucou

J'ai récemment remis en ordre l'année 1924 de ma collection et je me suis intéressé à une enveloppe de poste aérienne qui m'avait interpellé il y a quelques années.






Etonnante enveloppe en effet. Dactylographiée "Premier vol postal Moscou - Téhéran" à l'attention de Monsieur Jaroljmek.

Les courriers avec affranchissement de la poste aérienne sont très courus, et ma première réaction à la vue de cette enveloppe a été de pressentir une tricherie quelconque.

Tout dans cette enveloppe est suspect : l'absence d'adresse pour le destinataire, un affranchissement à 35 kopecks, alors qu'on attendrait plutôt 40 kopecks me semble-t-il? (tarifs du 1 septembre 1924). Les dates de départ et d'arrivée sont d'ailleurs surprenantes : 30 / 10 / 24 au départ et 14 / 12 / 24 à l'arrivée, soit 46 jours pour faire environ 3000km... alors 46-24=1104 heures... soit un peu moins de 3km par heure! j'irais plus vite à pied!

Trêve de plaisanterie. La solution a été apportée par Behruz Nassre dans son exposition de 2008 "Junkers aviation in Iran 1924-1930". Les premières liaisons aériennes entre l'Iran et de nombreux pays ont été établies entre 1924 et 1930 par la compagnie allemande Junker. C'est ainsi que Monsieur Joroljmek, représentant Junker en Iran, est destinataire de cette enveloppe partie réellement de Moscou le 12 / 11 /24 et arrivée à Bakou par avion, puis transférée (avec l'avion!) par bateau à Bandar-e Anzali en Iran le 14 décembre et repartie en avion jusqu'à Téhéran.

Malgré son extraordinaire voyage, cette enveloppe n'a pas de réelle valeur postale. Les nombreux exemplaires de ces enveloppes montrent les dérives industrielles de la philatélie soviétique.
Un autre exemplaire :

Il ne s'agit donc pas de faux; mais d'une escroquerie intellectuelle malheureusement courante...

samedi 19 janvier 2019

L'émission fantastique des "Edinaya Rossiya" avec rosettes

Comme toutes les émissions de timbres issues de la guerre civile, celle de Denikine a donné lieu à  de nombreuses démarches spéculatives. Il en est une encore très en vogue, qui consiste à identifier comme des épreuves une série de timbres reprenant le dessin (fond et centre) des timbres de l'émission. 
La voici :


Sur la forme, ces timbres semblent ne différer des timbres originaux qu'en valeurs (1, 2, 3, 5, 7 (absent sur le scan), 10, 25, 50 roubles), et dans le fait que la rosette remplace la valeur en roubles du timbres original.

Une rapide recherche sur Ebay ou Delcampe permet de repérer rapidement les nombreux lots et la supercherie :

En réalité, si l'on s'attarde un peu sur les détails, l'idée d'épreuves est bien vite éventée :





On a tendance à mettre tout et n'importe quoi sous l'appellation d'épreuve, englobant toutes les différences, souvent grossières, qu'on retrouve dans des faux. Mais n'oublions pas ce qu'est une épreuve, c'est-à-dire une étape dans le processus de fabrication du timbre. Le timbre peut être retouché, après les épreuves, pour effectuer telle ou telle correction, mais ne peut être radicalement changé, à moins de l'abandon simple de l'émission non retenue.

En réalité, comme le laisse deviner la comparaison entre ces deux timbres, les différences, qui excluent de facto des épreuves, sont nombreuses.

Tout d'abord, le papier utilisé est dissemblable. Les épreuves se font souvent sur papier cartonné, ou sur du papier identique à l'émission. Deux papiers furent utilisés par l'émission Denikine, mais tous les deux sont doux au toucher. La série avec rosettes présente un papier granuleux nettement marqué.

Ensuite, dans l'impression elle-même, les différences sautent aux yeux pour peu que l'on grossisse quelque peu les détails. Elles prouvent, si besoin en était, qu'on a affaire à des timbres différents, et non à une étape dans le processus de fabrication du timbre.
Voici une comparaison à titre d'exemple :


 timbre original
autre exemple :


 timbre original

 Il ne peut y avoir de polémique. Le grand nombre de ces "épreuves" ne plaide d'ailleurs pas en leur faveur...
Ceresa signale d'ailleurs au sujet de cette émission fantaisie qu'elle est originaire d'Italie. Le sujet est clos.