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mardi 5 mars 2024

timbres, experts et expertise des timbres de la période de la guerre civile russe : 1ère partie

Cet article a été débuté il y a fort longtemps ; et cinq années séparent son ébauche de sa finition. Mon objectif est de permettre à chacun de sa faire une opinion sur les timbres qu'il possède, ou qu'il souhaite acheter, et notamment sur les vieux timbres. La connaissance doit être universelle, et seule cette universalité fera reculer l'obscurantisme et donc ceux qui en bénéficient, profiteurs et autres margoulins.
 
Je me promenais sur Delcampe, fouinant, cherchant à gauche et à droite des timbres ou des lettres potentiellement intéressants, regimbant face aux innombrables annonces portant sur des faux, des contrefaçons, par bêtise ou par goût du profit. Une annonce m'a pourtant interpellé ; la voici :


Les timbres les plus rares de la série DVR pour 250 euros... une affaire (si l'on peut dire). Timbres signés, donc expertisés et authentifiés... mais l'on fait rarement des affaires en philatélie, chacun le sait bien...

Voyons donc cela dans le détail. Dans cette série, seul le premier 20k est authentique.

Je ne vais pas revenir sur les explications que j'ai données par ailleurs ; je vous renvoie aux articles concernés. Ce qui m'a sauté aux yeux, c'est le titre qu'a mis le vendeur "signés Brun et Romeko".

Comment Aimé Brun a-t-il pu signer des timbres manifestement et indiscutablement faux? A moins que... les signatures ne soient elles-mêmes imitées? Quelle crédibilité accorder à celles-ci et aux timbres signés en général, et aux certificats que l'on donne aujourd'hui? Peut-on prendre cela pour argent comptant, alors qu'un collectionneur va être floué a été floué de 250 euros pour des timbres qu'il pense être vrais?

Il va tout d'abord de soi que tous les timbres dits signés ne sont pas tous authentiques. Nombreux sont les vieux timbres qui comportent ainsi une marque de collectionneur, ou une vieille marque d'expertise qui n'est plus identifiable. Il est alors facile pour un vendeur peu regardant d'étiqueter sur ebay ou Delcampe "timbre signé" et de le vendre à des collectionneurs un peu naïfs.
 
On regrette aujourd'hui les marques laissées il y a un siècle sur le verso des timbres ; il s'agit pourtant d'une vraie manne d'informations que je vais essayer de partager avec vous lors du prochain article.

mardi 3 octobre 2023

Les fausses signatures HKBT sur émission avec trident local d'Ukraine

 

 Depuis un certain temps déjà, on peut observer une recrudescence des fausses signatures Narodnyi Kommissariat Vneshnei Torgovli, le Commissariat du Peuple au Commerce Extérieur, censées garantir la bonne origine et l'authenticité des timbres de bonne valeur aux acheteurs étrangers à l'URSS. Ces fausses signatures circulent en particulier beaucoup chez certaines maisons de vente sur offre, qui ont pignon sur rue.

   Pourtant le problème est connu depuis longtemps. L'Ukrainian Numismatic and Philatelic Society (UPNS) a déjà publié sur le sujet, mais de façon limitée.

    Trevor Pateman, dont on ne peut que regretter qu'il ait cessé ses activités philatéliques, avait signalé ces problèmes, en novembre 2011.

     Ces signatures sont de taille et parfois de couleur différente. On les trouve essentiellement sur les timbres d'Ukraine, sur les timbres d'empire surchargés d'un trident appliqué localement. Il s'agit à chaque fois de timbre à très haute valeur, rares, la plupart du temps de R à RRR. Et, chose étonnante, on les trouve dans ces ventes en très grand nombre, ce qui devrait alerter les collectionneurs. 

    En réalité, si cette signature a été tant imitée, c'est qu'elle existait sur timbres authentiques, selon l'UPNS, d'abord en très petite quantité au vu de la rareté des timbres proprement dits, et en petite taille.

 crédit UPNS

 Il est  difficile de trouver cette marque au dos des timbres, et cette infime probabilité met forcément l'accent sur tous les faussaires qui ont imité cette signature qu'en fait peu connaissent.

    Je vous en propose un exemplaire, avec trident local de Berezno, timbre oblitéré et avec perforation d'annulation, contresigné par Bulat, A défaut d'autre chose, cela nous servira de repère quant à la taille de la signature.

 
Ce trident de Berezno est à comparer avec le même timbre, mais avec surcharge et signature fausses :



Dans cette contrefaçon initiale, la marque se trouve au centre et au bas du timbre. On voit nettement en agrandissant que les surcharges ne se ressemblent que de loin.  

 La surcharge authentique existe aussi en violet :

 



Voilà quelques autres exemples de contrefaçons :

Ekaterinoslav type II surcharge violette



Comme vous pouvez le constater, ce timbre est oblitéré en mai 1918, alors que les premiers timbres de la série datent d'août... Les faussaires ne connaissent pas leur bases, ou comment discréditer une signature...

Chernigov type II

 

Nova Pryluka

 5k


10k


Il est d'ailleurs à noter que ce 10k n'est pas référencé chez Bulat...

20k sur 14k




Il s'agit, ainsi que vous les constatez, d'une série où les faussaires s'en sont donné à coeur joie, avec des types différents de signature, de plus en plus dégradées.

Enfin, une de celles que je préfère, avec une nette tendance dans le laisser-aller pour une contrefaçon :

Konstantinograd




 Ainsi que vous le constatez, les encres utilisées, comme les caractères, diffèrent régulièrement. Il y donc eu des contrefaçons des faux initiaux, ce qui arrive finalement assez régulièrement sur les timbres de la guerre civile russe.

Alors, me direz-vous, n'y a-t-il vraiment aucune chance pour que le timbre ayant cette signature soit vrai? me suis-je laissé berner? 

Il y a toujours une infime possibilité pour qu'un timbre soit vrai, même accompagné de cette marque infâme qui le range dans la case des timbres à surtout ne pas acheter.

Voyons donc cela :

  Chernigov type II







Etonnante  contresignature, qui celle de Seichter, associée au 2 que l'on trouve sur ses signatures de réimpression.

Personne ne présentera Seichter, le célèbre auteur du Sonderkatalog Ukraine, et, si c'est bien lui, je ne prétendrai pas rivaliser avec ses expertises.

Réimpression ou faux? la différence est parfois ténue.

Néanmoins, j'attire votre attention sur ces captures d'écran, issues de deux ventes sur offres, et à jeter un coup d'oeil tant au timbre qu'à la date située en haut à droite :








Ces captures d'écran sont édifiantes, et je vais vous donner mon interprétation. La personne qui a acheté les timbres avec les surcharges douteuses (ici Chernigov) et une signature non moins douteuse, a sans doute fait expertiser ses timbres, qui se sont évidemment révélés faux. Il tente maintenant de les remettre dans le circuit pour minimiser ses pertes, au détriment des autres collectionneurs, et sans la moindre morale...

En résumé, et pour reprendre les paroles d'Alexander Epstein cité par Trévor Pateman (je vous invite à consulter son blog désormais inactif), le fait de trouver cette signature en grand est la meilleure garantie que la surcharge est fausse.

Il est enfin à noter que l'on trouve des surcharges HKBT, mais petites cette fois-ci, sur d'autres surcharges, comme celles de Sibérie ou du Caucase.



Celles-ci sont trop peu fiables (elles sont ici fausses) pour que l'on s'y réfère, même si les surcharges PZK sont ici authentiques.

A fuir donc, quoi qu'il semble nous en coûter!


 

 

 

 

 


samedi 30 septembre 2023

1919 : Enquête autour d’une occupation méconnue de Riga

 L’histoire de la Russie est d’une telle richesse et d’une telle complexité qu’il n’est pas besoin de chercher des raretés ou de mettre le prix pour que celle-ci se rappelle à nous. En retrouvant un formulaire de colis acheté quelques euros, j’ai redécouvert une page commune mais oubliée de la Lettonie et de la Russie lors de la guerre civile :



 

 

Après avoir échangé avec les membres du Cercle Philatélique France-Russie au sujet de ce document, Henri T. m’a envoyé un formulaire de colis quasi identique :


Quelle ne fut pas notre surprise réciproque de trouver deux mandats presque jumeaux… et ceux-ci appellent quelques commentaires, et des suppositions.

Tout d’abord, il convient de remarquer la remarquable constance des bolchéviks dans le recyclage des outils de l’Empire : deux imprimés différents ayant servi dans le même bureau de poste, une absence d’étiquette d’envoi que l’employé de la poste a compensé en indiquant manuellement la ville de départ, Orel (SW de Moscou), et le numéro d’envoi 219 et 362.

Les dates d’envoi sont espacées de deux jours, le 12 et le 14 avril 1919 pour une arrivée à Riga les 15 et 17 avril 1919, avec des destinataires différents. Ces formulaire de colis non assurés ont été taxés à 3,50 roubles pour un poids de 12kg tous les deux. Depuis le 3 janvier 1919, la ville est aux mains des bolchéviks, constitués pour l’essentiel de Lettons (красные латышские стрелки ), à l’attaque contre les allemands et les lettons fidèles au gouvernement provisoire letton depuis le 1 décembre 1918, mais qui perdront finalement la ville en mai 1919. Ces éléments m’amènent à formuler quelques hypothèses : quelle chance y a-t-il pour que deux formulaires de colis d’un poids identique postés au même endroit et à destination de la même ville soient en possession de deux membre du Cercle cent ans plus tard ? Une chance infime… ne serait-il pas plutôt envisageable que ces colis soient la partie émergée d’un envoi de colis bien plus important, comme en atteste l’activité de bureau d’Orel (150 colis envoyés en deux jours). Ces colis font 12kgs, et ne sont pas assurés. En cette période de pénurie, comment autant de colis d’un tel poids ont-ils pu être envoyés en même temps ? Ces questions nous conduisent forcément au destinataire. Les consonances des noms sont diverses, ce qui me conduit à l’hypothèse suivante : peut-être s’agit-il de bolchéviks locaux, plus probablement sans doute de soldats occupant la zone. Peut-être les lecteurs pourront-ils nous apporter davantage d’éclaircissements ?

En tout cas, ces formulaires de colis sont les témoignages de cette période troublée, et de la courte occupation de la Lettonie par les bolchéviks, d’Orel et de Riga qui n’en auront pas fini avec la guerre civile...




samedi 20 mai 2023

dimanche 3 octobre 2021

Nouvelle édition des "Provisoires 1918-1963" de Joseph Geyfman.

 Joseph Geyfman, qui a publié il y a quelques années sa premières éditions des Provisoires 1918-1922 (1931), travaille actuellement sur sa seconde édition, plus complète puisqu'elle portera également sur les provisoires jusque 1963, avec davantage de photos sur les contrefaçons et des explications plus détaillées. Il s'agira d'une édition en deux volumes.

https://1.bp.blogspot.com/-z_75Cc-F708/YO1ROoAZ1cI/AAAAAAAAA9s/v-qx5vViwxQ6BXeDV4e5NZiFS9YcFQlHACLcBGAsYHQ/s2048/geyfman.jpg

lundi 15 mars 2021

La République Socialiste Fédérative des Soviets de Russie : l'épée brisant les chaînes de l'oppression

(Cet article a été initialement publié dans la Gazette du Cercle Philatélique France-Russie. Je remercie le Président du Cercle, Gérard Leblanc, qui a mis à ma disposition les ressources de l'association et en a permis l'amélioration.)

 Dès l'abdication de Nicolas II  le 2 mars 1917 (15 mars selon le calendrier grégorien), le pouvoir passe aux mains du Gouvernement Provisoire, dont le Prince Lvov préside le premier.. 

D'obédience socialiste, il lui faut un symbole fort. Quoi de mieux entre autres que le timbre, d'usage courant, qui passe entre toutes les mains et qui symbolise le pouvoir?

Dès les premiers mois de 1917, il lance un appel à projets. De tous les artistes impliqués, c'est le célèbre Richard Zarinch qui l'emporte avec son essai.

 



Des quatre essais qui vous sont présentés ici (d'autres avaient été proposés par plusieurs artistes), le plus radical est retenu.

Connu pour sa participation à la série du tricentenaire des Romanov, puis des timbres de bienfaisance de 1914, Richard Zarinch s'attelle à la commande, au choix retenu par le pouvoir politique de dessiner "une épée brisant les chaînes de l'oppression". Les valeurs retenues à ce moment correspondent aux tarifs en vigueur de 5 à 20 kopecks.

En voici quelques épreuves, émises aux alentours du 28 août :





Le pouvoir passe cependant très vite aux mains des bolchéviks. Nicolas Pavlovitch Avilov-Glebov ne retient que le 15k marron et barre les autres projets. Puis cette démarche est  abandonnée. Dans leur recherche d'un monde débarrassé des symboles impériaux, et avant tout pragmatiques, Les bolchéviks, et en l'occurrence le Commissariat National des Postes et Télégraphes, reviennent finalement vers Zarinch et lui demandent de revoir sa proposition première. Des essais sont émis : 

essai de fond

 essai de centre

Des épreuves aux couleurs rejetées :

orange

vert

puis acceptées le 22 mai 1918 par V Podbelski, le Commissaire National. Ils correspondent aux tarifs en vigueur au 28 février 1918 de 35k pour une lettre et de 70k pour un recommandé.

 

marron (utilisé en 70k)
bleu (utilisé en 35k)
Ce 10k est intéressant car il représente enfin le dessin retenu, avec des motifs floraux.

Cependant, dès le 15 septembre, dans une démarche globale pour aller vers la gratuité qui interviendra le 1 janvier 1919, les tarifs postaux sont abaissés. Les valeurs émises deviennent désuètes. Ce timbre est donc rarement employé, d'autant que les bolchéviks ne contrôlent qu'une petite partie du territoire de l'ancienne Russie.

Le 7 novembre 1918, le timbre est enfin émis et diffusé sur papier bâtonné en losanges, à la date anniversaire de la Révolution. Le procédé utilisé est la typographie, et le timbre dentelé en 13 1/2. Les timbres sont imprimés en feuilles de 100 (10*10) et protégés par un bâtonnage en lozanges, comme les timbres de l'Empire. Ils sont souvent mal centrés. Vous noterez les initiales de Richard Zarinch dans le bas du timbre.
 
Le 35k :

le 70k :

 
Cette série est remarquable par en sa qualité de "collectionnable" ; de ses variétés à ses erreurs, en passant par son emploi postal, il est possible d'établir une collection de tout premier plan.
 
En effet, outre les nuances de couleurs, ces timbres comportent un très grand nombre de variétés liées aux plaques d'impression. Celles-ci ont été abondamment traitées par la littérature philatélique. Les impression successives (4 ou 5 selon les catalogues) ont ainsi multiplié ces mêmes variétés.

Deux pages de mon vieux catalogue du Cercle Philatélique France Russie vous donneront un aperçu de ces variétés :
 


Mon propos n'est donc pas ici de remplacer ce catalogue, ni de mentionner des variétés qui ne s'y trouveraient pas. De bien plus grands spécialistes s'y sont attelés et je n'aurai pas la prétention d'aller sur leur domaine d'excellence. Non ; mon propos est donc juste de montrer la richesse de cette émission et d'inciter tout un chacun de collectionner ce petit timbre riche d'une histoire extraordinaire.

En conséquence, si j'évoque quelques variétés, cela sera sans distinction du 35k et du 70k, laissant aux uns et aux autres la liberté de se renseigner davantage si le coeur leur en dit.

Je parlais donc des erreurs de plaques. Certaines sont donc mentionnées dans les catalogues, et ces variétés apparaissent ici entourées de rouge :
sur 35k :

 sur 70k :
 


D'autre sont ponctuelles, mais pas moins amusantes, comme celle-ci :

Il faut dire que cette épée brisée par les chaînes de l'oppression, cela a de quoi faire frémir tout bolchévique...

D'autre variétés, liées cette fois à la perforation en dentelure 13.5, sont à noter.

- des perforations déplacées :

-sur 35k :

 


sur 70k :


ou liées à un mauvais positionnement de la feuille


Enfin des perforations manquantes... remplacées par des perforations locales...


... ou pas, ce qui aboutit à des variétés très recherchées, avec des parties non dentelées.




Le graal du collectionneur, c'est le timbre non dentelé, dont il y a peu d'exemplaires. Le plus rare est le 70k.

Cette rareté, et le prix qui va avec, a donné bien évidemment lieu à des contrefaçons. Certains timbres non dentelés sur leur partie haute,ont été rognés sur leur dentelure, et il faut être très prudent lors de tout achat.

D'autre faux ont été faits de toute pièce, dans l'espoir de tromper le collectionneur.

- le 35k :


- le 70k :


Ces timbres typographiés se repèrent par un papier plus fin, très lisse, et par un dessin parfois irrégulier.

J'espère que ce petit panorama vous aura donné le goût d'approfondir cette analyse.

Références : 

La Gazette du Cercle Philatélique France-Russie,  Alexis Khripounoff, n°74 avril 1988

The Post Rider, N.J. Sheppard, n° 13 novembre 1983

Ceresa, The Postage Stamps of Russia, 1917-1923, volume V

Gérard Leblanc, Tarifs et dates de l'histoire postale russe et soviétique